Culture profane (textes, films, témoignages, actions)
LA JUSTICE RESTAURATIVE
Les principes de la justice restaurative
La justice restaurative considère le crime comme étant avant tout une atteinte aux personnes et aux relations interpersonnelles, avant d’être une atteinte à l’autorité de l’État.
Le problème posé est celui du manque d’amour !
Cette conception du crime repose sur le constat que tous les humains sont « interconnectés », qu’ils entretiennent, depuis toujours, d’inévitables relations intersubjectives. Le crime, en atteignant les personnes blesse, voire brise, ces interconnexions. Le mal causé à l’un atteint tous les autres.
Le principe posé est celui de la fraternité universelle et de l’humanité Une. Le Coran dit : « Celui qui tue un homme, c’est comme s’il tuait toute l’humanité. » (Sourate 5, la Table servie, verset 32)
Le crime est aussi le symptôme d’un déséquilibre du réseau relationnel au sein duquel les individus évoluent, au sein de leurs communautés d’appartenance. Par conséquent, des responsabilités et des obligations mutuelles caractérisent ces interrelations et, lorsqu’un mal est fait, toutes les parties concernées doivent être impliquées et réparées.
En s’intéressant aux dommages eux-mêmes mais encore à leurs causes, la justice restaurative offre une grille de résolution et de régulation des conflits plus englobante que le système classique.
Le principe posé est celui du péché général, comme du bien général et de la responsabilité de tous dans cet état de « crise » où vit l’humanité, au-delà des comportements individuels. C’est une responsabilité par solidarité intrinsèque, effet de la nature humaine universelle. C’est aussi l’appel à la pénitence de tous dans tous les domaines.
Selon Howard Zehr, la philosophie restaurative repose, en ce sens, sur cinq principes-clés d’action, tous organisés autour des valeurs d’interconnexion des êtres humains – sans nier les particularismes individuels – et de respect mutuel. Ils se combinent ou se substituent, au regard de la nature des mesures de Justice restaurative mises en œuvre, avec ou au sein du Système de justice pénale, selon qu’il s’agit de prendre en compte les conséquences et/ou les répercussions consécutives au crime.
1. Focaliser sur les dommages, les attentes et les besoins consécutifs, aussi bien des victimes que des communautés et des infracteurs
Contrairement au système classique, la justice restaurative ne se focalise pas exclusivement sur les normes violées au préjudice de l’Etat. Elle estime que le crime est avant tout un dommage causé aux personnes et aux communautés d’appartenance. Que l’infracteur soit ou non arrêté importe peu.
Tous doivent faire l’objet d’une réparation, y compris l’infracteur dont l’histoire est, pour nombre d’entre eux, marquée par des expériences traumatiques et une trajectoire sociale très précarisée.
Le principe posé est celui de l’amour universel et de l’équité
2. Déterminer les obligations qui découlent de ces dommages
Atteinte aux relations intersubjectives, le crime est susceptible d’impliquer au-delà des personnes victimes ou infracteures. En ce sens, la culpabilité et la responsabilité de la personne infracteure ne se résument pas au prononcé et à l’application de la sanction prévue par la loi.
Les interrelations victime / infracteur s’inscrivent dans une situation très souvent complexe qu’il convient de modifier. Elles interviennent encore dans un contexte socio-culturel plus large dont il faut absolument tenir compte.
Il est essentiel alors pour tous de comprendre, d’admettre les dommages et de s’engager à les redresser autant que possible, tant au plan personnel, matériel que symbolique.
Le principe posé est celui de l’engagement loyal à l’égard des changements à mettre en œuvres. Il appelle la vérité et l’absence de peurs et de préjugés, ainsi que l’humilité et la volonté. On retrouve le principe de pénitence ;
3. Mettre en œuvre des procédures d’inclusion, de collaboration
Dans la mesure où le crime a des impacts directs et secondaires, il importe d’inclure tous ceux qui ont eu à souffrir de ses conséquences et répercussions.
Une collaboration entre tous est nécessaire :
– Les organes de poursuites et de jugement,
– L’infracteur,
– La victime
– et leurs proches,
– Les membres de la communauté.
Elle doit se manifester par des échanges d’informations, des rencontres éventuelles et, le plus souvent possible, par une réflexion commune sur la nature des réparations à mettre en œuvre et les conditions du rétablissement de l’harmonie sociale.
Le principe posé est celui de la communication fraternelle fondée sur l’accueil de tous et l’écoute de tous, ainsi que la créativité dans une réflexion collective.
4. Impliquer tous ceux qui possèdent un intérêt légitime : victimes, infracteurs, membres de la communauté, société
Les magistrats occupent aujourd’hui une place centrale tout au long du processus pénal. A contrario, l’implication des acteurs directs de l’infraction demeure encore très insuffisante. On attend :
– de l’infracteur qu’il reconnaisse sa responsabilité et assume sa peine,
– de la victime, qu’elle « confirme » la culpabilité de l’infracteur et apporte la preuve des préjudices subis.
Si ces marques de reconnaissance sont essentielles, elles ne doivent pas se limiter à cela. Les personnes victimes et infracteures doivent pouvoir s’exprimer sans réserve sur le crime, faire valoir l’ensemble de leurs traumatismes et de leurs ressentis (passés, présents et à venir).
Pour y parvenir – et selon les mesures envisagées – des rencontres associant :
– Victime(s),
– Infracteur(s),
– Familles,
– Personnes de confiance,
– Membres de la communauté,
– Professionnels concernés,
devraient être favorisées pour permettre à chacun et à tous d’être impliqué(s), à la place qu’il(s) occupe(nt), dans la recherche des solutions pour sortir du conflit.
À défaut, chacun étant figé dans son rôle de victime ou d’infracteur, opposés par des stratégies d’oppositions imposées par le jeu du procès pénal, le conflit demeure et ses répercussions aussi.
Le principe posé est celui d’une certaine distance avec le pouvoir sclérosant et aliénant du système. Au-delà c’est celui de l’anarkia qui se dessine.
5. Chercher à redresser la situation
Conformément à ce principe, il s’agit de tout mettre en œuvre pour que tous les dommages causés à la victime, à l’infracteur voire à la communauté soient réparés.
Il est de la responsabilité de l’infracteur de prendre une part active dans la réparation des dommages causés à la victime. La réparation peut être matérielle et/ou symbolique. Dans les cas les plus graves, pour lesquels une part d’irréparable demeurera le plus souvent chez la personne qui en a été la victime, tous les efforts déployés en ce sens sont généralement très appréciés.
Il est aussi de la responsabilité de la communauté d’encourager et d’aider l’infracteur à réparer la victime. Il faut aussi l’aider à se réparer lui-même dans de très nombreux cas. Certains ayant souffert de victimisations non prises en compte de manière satisfaisante par le passé, le passage à l’acte criminel peut alors être vécu comme une manière de se rendre justice ou comme la réactivation inconsciente d’un traumatisme ancien.
La communauté doit également combattre les facteurs de risque de nature à favoriser les passages à l’acte criminel, en participant à sa prévention. Ses membres doivent pouvoir participer à la réduction des facteurs de risque (ceux qui favorisent les comportements criminels) et, surtout, au renforcement des facteurs de protection (ceux qui évitent d’entrer dans la criminalité et encouragent le respect des lois et d’autrui), tels les mécanismes de solidarité et de soutien entre les personnes.
Le principe posé est celui de l’absorptions des dommages par tous, y compris ceux qui s’avèrent irréparables. On retrouve le principe de solidarité par nature humaine spirituelle, mais aussi une esquisse des Puhcs par l’intervention de toute la communauté dans une gestions des causes et des conséquences des crimes, mais surtout dans une gestion de la communauté permettant de les éviter.
LES PROMESSES DE LA JUSTICE RESTAURATIVE
1. Les promesses de la justice restaurative pour la personne victime
Elle va pouvoir obtenir les informations dont elle a besoin, recevoir des réponses aux questions qu’elle se pose à propos de l’infraction :
– Pourquoi est-ce arrivé ?
– Pourquoi moi ?
– Ai-je fait quelque chose pour que cela arrive, aurais-je pu l’éviter ?
– Comment cela s’est réellement passé ?
– Qui est la personne qui m’a fait ça ?
– Que ressent-elle ?
– Que compte-t-elle faire ?
– Qu’a-t-on fait depuis ?
Les questions du « pourquoi » et du « comment » sont fondamentales.
Les réponses apportées sont de nature à :
– Apaiser les peurs de la victime et à
– « (ré) » humaniser la personne infracteure, souvent perçue comme un « monstre ».
La personne victime peut ainsi vérifier par elle-même, lors de la rencontre restaurative, la sincérité de l’auteur.
Elle souhaite l’entendre assumer pleinement la responsabilité de l’acte et s’assurer qu’il réalise toutes les conséquences et répercussions qui en découlent, dont certaines persistent toujours.
Le crime a en effet privé la victime de ses biens, de son corps, de ses émotions et/ou de ses rêves. Elle doit être réparée autant aux plans personnel, matériel que symbolique.
2. Les promesses de la justice restaurative pour la personne infracteure
A l’égard de l’infracteur la justice restaurative participe à sa responsabilisation, de nature à favoriser la reconquête de l’estime de soi et l’affirmation, plus généralement, de sa qualité de personne humaine.
La rencontre avec la personne qui a été la victime de l’infraction qu’il a commise est essentielle. Le récit de ses souffrances et des répercussions de l’infraction sur sa vie est de nature à lui faire prendre conscience de la portée de son comportement et à le responsabiliser pour l’avenir.
En contribuant à les réparer, il prend, lui aussi, part à la régulation du conflit. En accomplissant des actes positifs au bénéfice de la victime et de la communauté, il fait preuve de la sincérité de sa démarche de responsabilisation.
L’infracteur a aussi besoin d’encouragements et d’aide pour (ré)intégrer la communauté. Il peut trouver ce soutien auprès de ses proches et des membres de la communauté :
– Bénévoles agissant dans le cadre des programmes de justice restaurative ou,
– Plus généralement, de toute personne intervenant dans le cadre de programmes d’action sociale.
3. Les promesses de la justice restaurative pour les communautés
Unies par un sentiment plus ou moins fort d’appartenance, d’identification réciproque, les communautés sont à comprendre dans leur dimension géographique locale, de voisinage, mais aussi ethnique et/ou culturelle, quand elles ne sont pas activées par un événement très particulier ou dynamisées autour d’associations voire de réseaux d’intérêts ou d’obligations mutuels.
Le crime, par ses impacts, a créé des besoins chez les membres impliqués. Or l’accaparement par l’Etat des poursuites pénales traditionnelles détruit chez les individus tout sens de la communauté.
Pourtant, les membres de la communauté ont un rôle à jouer, tout comme la communauté elle-même doit assumer ses éventuelles responsabilités à l’égard des victimes, de l’infracteur et de l’ensemble des membres eux-mêmes.
Elle prend concrètement connaissance et conscience des facteurs qui risquent de conduire au crime et s’investit alors davantage dans la consolidation du bien–être social, assurant par là même la prévention plus globale du crime. Et chaque fois que les membres de la communauté s’engagent dans la résolution d’un conflit, c’est le lien social qui s’en trouve renforcé.
C’est pourquoi les communautés attendent de la Justice qu’elle prête attention à leurs victimisations éventuelles, qu’elle leur offre des opportunités pour donner du sens aux notions de communauté et de responsabilité mutuelle, qu’elle les encourage à assumer leurs obligations quant au bien-être de leurs membres – y compris victimes et/ou infracteurs – et à développer des politiques qui favorisent des communautés saines et sûres.
CE QUE LA JUSTICE RESTAURATIVE N’EST PAS
Avec beaucoup de pertinence, c’est Howard ZEHR qui a le mieux systématisé, dans l’un de ses derniers ouvrages, ce que la justice restaurative n’est pas. Il a eu le souci de rappeler que tous les programmes mis en œuvre ne sont pas automatiquement transposables mais que tous doivent respecter des principes de bases. De nombreux autres chercheurs et praticiens ont, après lui, contribué à expliciter ce que la justice restaurative n’est pas.
La justice restaurative n’est pas spécialement dédiée aux victimes
Ayant par définition le souci de tous, elle implique tous les protagonistes du crime qui s’estiment concernés : infracteurs, victimes, leurs proches et communautés d’appartenance principalement.
La justice restaurative n’est pas un programme spécifique ou figé
Il n’existe pas de modèle idéal, transposable dans toutes les sociétés. Concept et pratique en construction, la justice restaurative doit s’adapter aux différentes cultures et être appropriée par elles : elle est une boussole, pas une carte. Au minimum, la justice restaurative doit être une invitation au dialogue et à l’innovation, dans le respect des droits humains et des principaux fondamentaux du droit criminel (sauf si celui-ci contient des principes non humains).
La justice restaurative n’est pas exclusivement tournée vers le pardon
La Justice restaurative n’est pas essentiellement orientée vers le pardon et la réconciliation. Si les mesures retenues offrent un contexte bien plus propice que le système pénal actuel, pardon et réconciliation demeurent toujours à l’appréciation, intime, libre et souveraine des participants.
Il est vrai que les Commissions vérité et réconciliation, telles que celle organisée en Afrique du Sud après l’abolition de l’apartheid, ont systématisé l’amnistie en contrepartie de la reconnaissance de l’ensemble de la vérité par l’auteur de crimes contre l’humanité. Ces pratiques relèvent de la justice restaurative appliquée à des situations de crime de masse. Elles participent également de la justice transitionnelle par laquelle une nation se dote des moyens d’accéder à la réappropriation de son histoire, à la démocratie et au retour d’une paix durable, dans la reconnaissance des victimisations subies. Or, si l’amnistie est souvent associée au pardon, un tel pardon symbolique, accordé par la nation à l’auteur du crime, n’efface (ou ne remplace) en rien le pardon, intime et personnel, dont l’échange et l’acception – ou non – appartient aux seules personnes directement concernées.
La justice restaurative n’est soumise à aucun dogme religieux
Il est parfois reproché à la Justice restaurative de reposer sur des fondements religieux. S’il est incontestable que sa promotion contemporaine a été portée par des mouvements confessionnels divers, il deviendrait douteux d’en tirer argument pour condamner sa mise en œuvre. Il est permis d’espérer que de mêmes valeurs spirituelles, propres à notre humanité, sont aussi centrales et partagées dans un système de justice pénale démocratique et laïc.
D’un point de vue philosophique, plus globalement, les valeurs fondamentales constitutives de notre Bien commun sont :
– la reconnaissance de l’humanité de chacun,
– de sa dignité de personnes,
– l’amour,
– la compassion,
– l’empathie,
– le respect de soi comme d’autrui,
– l’intégrité et la probité,
– l’égalité et la solidarité,
– l’intégration sociale harmonieuse de tous,
– la non-discrimination pour quelque motifs que ce soit, notamment.
La justice restaurative n’a aucune ambition thérapeutique
Les bienfaits personnels de la justice restaurative sont désormais scientifiquement évalués, tant auprès des personnes victimes ou infracteurs, que de leurs proches ou de leurs communautés d’appartenance. Ces bienfaits sont d’ordre psychologique (réduction des peurs et des angoisses, responsabilisation vis-à-vis des comportements passés et à venir) et même physique (diminution des insomnies, réduction des addictions). Certains pourraient être tentés d’y voir la preuve que la justice restaurative relève d’un processus thérapeutique. C’est confondre en réalité processus et effets.
La justice restaurative, selon les spécificités propres à chaque mesure, s’inscrit dans un processus au cours duquel ceux qui y participent vont entrer en dialogue. C’est ce dialogue qui est l’objectif primordial de la rencontre restaurative, en aucun cas la transformation des personnes ou leur accompagnement thérapeutique. La rencontre, en ce qu’elle permet la (re)découverte de l’humanité de chacun, l’expression et l’écoute des ressentis de chacun, peut avoir des effets positifs pour les personnes. Ces effets ne sont néanmoins pas garantis. Ils ne sont recherchés que par les participants, dans l’intimité de leur personne.
La justice restaurative n’est pas exclusivement focalisée sur un résultat
Le processus mis en œuvre apparaît à l’expérience tout aussi bénéfique aux parties impliquées. Il peut, en ce sens, être mis fin au processus à la demande des parties, du médiateur ou de l’animateur selon les mesures, sans pour autant qu’il s’agisse d’un échec de la mesure en cours.
La Justice restaurative n’est pas exclusivement mise en œuvre à côté du système de justice pénale classique
La justice restaurative n’est ni une panacée, ni nécessairement un modèle destiné à remplacer le système pénal actuel. En effet, le crime présente une double dimension : publique et privée. Pour éviter que la dimension publique (de la compétence certes de l’Etat) ne l’emporte, il convient de considérer que le crime a bien davantage une dimension sociétale, mais encore une dimension plus personnelle et locale. En considérant mieux la dimension individuelle, la justice restaurative cherche à atteindre un meilleur équilibre dans la manière dont est vécue, au plus près des intéressés, l’expérience de justice. Opérationnelle dans la régulation de tous les conflits, elle doit s’inscrire en complémentarité avec ce dernier en matière de crimes et de délits graves.
La justice restaurative n’est pas réductible à la médiation
La justice restaurative est assez différente de la médiation, telle qu’elle est mise en œuvre en France, dans le cadre de la médiation pénale ou de la réparation pénale à l’égard des mineurs, en tant qu’alternative aux poursuites.
Dans le cadre de la médiation pénale, la rencontre entre la victime et l’infracteur n’est pas toujours réellement choisie par les participants. De surcroît, la banalisation de certaines pratiques, peu professionnalisées, risque de conduire au partage des responsabilités, voire de la honte qui sont attachées à l’acte criminel, en tant qu’acte.
La justice restaurative, contrairement à la médiation, peut être aussi proposée en cas d’absence, d’impossibilité ou de refus d’une partie. Dans le même sens, un « Cercle restauratif » peut être organisé lorsque l’action publique est éteinte, ne peut être introduite ou est insusceptible de prospérer.
La justice restaurative n’est pas exclusivement réservée au traitement des infractions de faible gravité
La justice restaurative ne saurait être essentiellement réservée aux infractions de faible gravité ou aux infracteurs primaires. Bien au contraire, les principes de justice restaurative, lorsqu’ils sont appliqués sérieusement par des professionnels spécialement formés, peuvent aussi convenir aux cas les plus graves.
Les évaluations scientifiques qui se succèdent soulignent que plus les faits sont graves plus les résultats donnent satisfaction aux participants. Il convient toutefois de prendre le plus de précautions possibles dans la préparation des participants, en particulier en matière de violences intra-familiales.
La justice restaurative n’est pas nécessairement une alternative à l’emprisonnement
Par les principes qu’elle promeut, la justice restaurative participe certes à la réduction du recours très abusif à l’emprisonnement. Mais les mesures de justice restaurative peuvent aussi être mises en œuvre en complémentarité ou en parallèle à la peine privative de liberté.
La justice restaurative ne vise pas exclusivement la réduction de la récidive
Quand bien même elle y contribue pertinemment, la justice restaurative n’est pas essentiellement dédiée à la réduction du récidivisme ou des infractions multiples.
Elle est en priorité mise en œuvre parce qu’il est légitime de prendre en compte les attentes et besoins des victimes et des infracteurs, d’encourager ces derniers à se responsabiliser, d’impliquer tous ceux qui sont concernés par le crime.
Les évaluations scientifiques soulignent toutefois que les mesures de justice restaurative conduisent à des résultats notables en matière de réduction de la récidive et, plus pertinemment, de désistance. (Processus par lequel l’auteur d’une infraction sort de la délinquance ou de la criminalité (par opposition à récidive). Ce processus peut être accompagné par l’administration pénitentiaire.)
Elles supposent cependant que la participation à la rencontre restaurative repose sur la reconnaissance d’un certain niveau de responsabilité de la part de l’infracteur, sur la nomination de l’infraction et de la réalité de la victimisation.
Les mesures de Justice restaurative
Les principales mesures de justice restaurative
La médiation restaurative
Elle consiste en un processus de dialogue, pouvant consister en une rencontre en face à face ou sous forme de lettre ou de vidéo, en présence d’un animateur, entre la personne qui a été victime d’une infraction et la personne qui en a été l’auteur. Elle leur offre l’opportunité de discuter des conséquences et des répercussions du crime commis ou subi, en toute confidentialité. Ce processus de dialogue, intervenant après une préparation adaptée, respecte le rythme de chacun, indépendamment de la procédure pénale.
Les rencontres détenus-victimes (RDV)/condamnés – victimes (RCV)
Les Rencontres Détenus – Victimes invitent un groupe de personnes détenues et à un groupe de personnes ayant été victimes d’une infraction (quatre personnes minimum respectivement), qui ne sont pas concernées par la même affaire, à se rencontrer. À l’occasion de 5 rencontres plénières et d’une rencontre bilan, les participants abordent les répercussions consécutives à l’infraction dans leurs vies respectives. Ces rencontres peuvent également avoir lieu en dehors de la prison, entre un groupe de personnes condamnées, et un groupe de personnes victimes. Il s’agit alors de rencontres condamnés / victimes (RCV).
La conférence restaurative
Elle propose, en plus du face à face entre la personne victime et la personne auteure de l’infraction, la participation des proches et personnes de confiance de chacun d’entre eux. Elle permet ainsi d’envisager les modalités du soutien que l’environnement familial et social est susceptible d’apporter aux participants.
Le cercle restauratif
Ce cercle, de nature originale, apparaît particulièrement adapté lorsque l’action publique n’est pas envisageable (prescription des faits, faits non suffisamment constitués, ordonnance de non-lieu, jugement de relaxe ou arrêt d’acquittement). Il s’agit d’offrir un espace de parole à celles et ceux qui, face à de telles situations légitimes en soi, se posent néanmoins les questions du « pourquoi » et du « comment », de nature à perturber leur vie personnelle et sociale aussi longtemps qu’elles n’auront pas été posées.
Les dispositifs à visée restaurative :
Le cercle de soutien et de responsabilisation (CSR)
Les Cercles de Soutien et de Responsabilisation (CSR) sont exclusivement réservés aux personnes ayant commis des infractions à caractère sexuel, isolés socialement avec un risque de récidive élevé. Ils se déroulent après leur sortie de prison, quel qu’en soit le régime (semi-liberté, libération conditionnelle).
Le cercle d’accompagnement et de ressources (CAR)
Les Cercles d’Accompagnement et de Ressources (CAR) quant à eux concernent les personnes ayant commis des infractions de toute autre nature que sexuelle : crimes contre les personnes, les biens, notamment. Ils visent à accompagner le ou la bénéficiaire vers la reconquête de son autonomie personnelle et sociale en présence de 3 ou 4 personnes appelées « bénévoles de la communauté » et d’un coordonnateur.
Je pourrais certainement mettre ce renseignement à la rubrique références dans d’autres voies spirituelles, mais je choisis celle-ci puisque cette association s’adresse aussi au laïques.
L’API : Association Pardon International : Crée en 2015 par Olivier Clerc, auteur et conférencier international, créateur des Cercles de Pardon, pour favoriser l’étude et la pratique du pardon sous toutes ses formes, tant laïques que religieuses ,de façon transnationale et trans-religieuse.
L’association a formé 600 personnes à animer des Cercles dans une quinzaine de pays et est à l’origine de la journée internationale du pardon (le 18 septembre de chaque année).
L’API collabore étroitement avec d’autres organismes dans le monde qui s’intéressent aussi à cette thématique.
Livres : Les accords toltèques, Le don du Pardon…
http://www.cerclesdepardon.fr
http://www.journeeinternationaledu pardon.org
France 2 a diffusé, le lundi 6 octobre 2020, la mini-série Le Mensonge, librement adaptée de l’affaire Lacono. A l’âge de 9 ans, Gabriel Lacono avait accusé à tort son grand-père Christian, alors maire de Vence (Alpes-Maritimes), de l’avoir violé pendant plusieurs années. Ce dernier a passé dix ans en prison, avant d’être acquitté suite à la rétractation de son petit-fils. Celui-ci a avoué son mensonge grâce, entre autre, à l’accueil de sa tante (la fille de Christian Lacono) qui ne le rejette pas lors de l’avant dernier procès, alors qu’il avait maintenu son discours d’enfant. Le grand père, à sa sortie de prison, accueille lui aussi son petit fils et pardonne. La série s’est largement inspirée du livre qu’a écrit Christian Lacono et ce dernier aurait suivit le tournage de la série. Voilà à mon avis un bel exemple de pardon sur un mensonge lourd de conséquences.
Information que vous pourrez également trouver dans la discussion : Groupe de partage d’expériences sur le pardon.
Pour aller dans le sens de l’intuition de Dominique, voici un lien concernant une expérience américaine visant à la déculpabilisation et à la réhumanisation des prisonniers, ce qui représente des moyens évidents de parvenir au pardon et à la réhabilitation de ces hommes et ouvre les portes de la pénitence par la prise de conscience de la nature humaine sensible présente chez tous.
Voici comment notre frère Claude Minière et notre sœur Dannys Joplin présentent cette expérience :
« ENTREZ DANS LE CERCLE
Ces prisonniers américains découvrent leur point commun de malheur, quand ils étaient enfants et, du même coup, parce qu’ils osent l’avouer publiquement, par compassion envers eux-mêmes et les autres, resurgit leur humanité. Très beau film, très humain. » (Claude)
« Une démarche dans le sens du « pardon » qui est le regard tourné vers l’avenir, vers la guérison plutôt que vers la punition. » (Dannys)
Voici comment ce film est présenté par l’animatrice des groupes d’expérience, Fritzi Horstman :
« Les traumatismes de l’enfance non résolus modifient notre façon de réagir au monde et, lorsqu’ils sont déclenchés, nous faisons des choix qui ont parfois des conséquences dévastatrices, notamment la violence domestique, la toxicomanie, le meurtre et la prison.
Moi aussi, j’aurais été incarcéré si je n’avais pas eu le système de privilèges et de soutien dans lequel j’ai eu la chance de grandir.
Changeons le paradigme de la façon dont nous incarcérons, isolons et déshumanisons les membres les plus traumatisés de notre société. »
Voici un commentaire écrit en juillet 2020 par un intervenant (Gerald Merfishll) d’un autre programme de réhabilitation, la mission « Bridges to life » :
« J’ai passé une nuit par semaine pendant environ 3 ans à l’intérieur des prisons du Texas à exécuter la mission « Bridges to Life ».
Nous avons travaillé avec des délinquants et des délinquantes pour créer de l’empathie, non seulement envers leurs victimes, mais aussi envers les membres de leur famille avec lesquels ils ne pouvaient plus vivre en raison de leur séjour en prison. Au cours de nos séances, le délinquant devait raconter son histoire – de la naissance jusqu’à la commission du crime qui les a envoyés en détention. Le thème commun n° 1 parmi les délinquants était, qu’au cours des années déterminante de leur éducation, ils n’avaient pas reçu « d’amour inconditionnel ».
De la part de mes parents j’ai reçu un amour inconditionnel et ainsi j’ai appris à être parent, et bien que n’étant pas un parent parfait, mes filles se sont magnifiquement développées. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que les gens aient de la compassion, de l’amour et de l’attention pour les autres, s’ils ne l’ont jamais appris ou expérimenté au cours de leur développement ? Pour moi, c’est notre défi – l’amour inconditionnel apporte l’éducation et montre un chemin pour sortir de la pauvreté. Continuez votre excellent travail – peut-être pourrez-vous développer des programmes ou une voie pour créer l’amour inconditionnel dans chaque famille ! »
https://vimeo.com/398088783?1&ref=fb-share&fbclid=IwAR1Beh5g_99Wfp1-djecrnAvqfrd2yomJW9OdX4cBIzlvzoYWz015BL6Sls
La banalité du mal et la nécessité de pardonner tout le monde, même les pires criminels
Hannah Arendt s’est beaucoup interrogée sur l’origine et la nature du mal dans l’homme. Elle a pour cela été, plus que beaucoup d’autres philosophes, violemment critiquée. Mais pourquoi, alors que presque tous les philosophes parmi les plus grands, de Platon à Sartre, de Plotin à Martin Heidegger, en passant par Descartes, Spinoza, Kant, Nietzsche, Gabriel Marcel, etc. ont fait des recherches similaires et tirés leurs conclusion sans avoir été inquiétés à ce sujet, pourquoi Hannah Arendt a-t-elle été à ce point vilipendée ?
C’est que cette femme si belle, si forte et si intelligente a conclu à une réalité insoutenable pour les humains « normaux », c’est-à-dire « moraux » : le mal n’est pas monstrueux, mais banal ! Et dans la société des hommes qui pourtant s’évertue de discriminer entre bien et mal en valorisant le bien et en s’efforçant de chasser le mal, peut apparaître chez n’importe quel être humain placé dans certaines circonstances une propension à commettre des actions abominables ou à y participer.
Et que montre Hannah Arendt des « circonstances particulières », c’est qu’elles sont des choix de société, des choix collectifs, des choix idéologiques. Par l’idéologie, par la pression mentale exercée sur les êtres humains, il est possible de les transformer en agents « irresponsables » d’une autorité supérieure dont l’apex est une abstraction incarnée dans un système : le Parti, le Reich, l’Ordre, Dieu, l’Eglise, la Foi, le Roi, la Nation, etc.
Mais pour que ce système existe, il faut construire une organisation matérielle et bureaucratique (entendez douée de la faculté du « compte » : calcul des moyens, équilibre du budget) qui a besoin de la complicité de tous. Chacun devient ainsi un rouage du mal ordinaire fondé sur la perte de ce qui fait l’humain par excellence : la liberté de choisir et de faire le bien. Ainsi chacun devient une cellule plus ou moins active et « gradée » d’un monstre collectif dont la tête est l’état.
Et c’est parce qu’elle a démontré que chacun de nous pouvait jouer ce rôle à condition de faire partie d’une organisation humaine et de cesser de penser par soi-même qu’on l’a clouée au pilori en l’accusant de dédouaner l’accusé prétendu « monstrueux ».
C’est dans ses articles du magazine The New Yorker qu’elle écrit en tant qu’envoyée spéciale pour couvrir le procès d’Adolf Eichmann, criminel de guerre nazi, à Jérusalem en 1961 et 1962, qu’elle formule l’essentiel de cette conception plus que pertinente, « inspirée ».
L’accusé n’est pas comme elle s’y attendait ; c’est un homme « insignifiant ». Le procès fait une large place aux « isme », nazisme et antisémitisme, mais elle veut comprendre le rapport entre l’homme et ses propres actes. Ainsi, dans une série d’articles, elle soutient qu’Adolf Eichmann a abandonné son « pouvoir de penser » pour n’obéir qu’aux ordres, il a renié cette « qualité humaine caractéristique » qui consiste à distinguer le bien du mal, et, en n’ayant « aucun motif, aucune conviction (personnelle) », aucune « intention (morale) » il est, dit Arendt, devenu incapable de former des jugements moraux. D’un point de vue philosophique, ce qui est en cause dans les actes affreux qu’il a commis n’est donc pas tant sa méchanceté que sa « médiocrité » – d’où l’expression « banalité du mal ».
Hannah Arendt est dans cette compréhension de la nature humaine au cœur de la responsabilité de l’être humain, donc au cœur du libre arbitre, car il faut bien décider d’abandonner « son pouvoir de penser » ou de ressentir. Elle comprend l’absence de pensée comme étant, non pas une fatalité imposée de l’extérieur par quelque force insurmontable, mais le résultat d’un choix personnel, de l’ordre de la démission. Eichmann, selon elle, a forcément choisi d’arrêter de penser, voilà pourquoi il reste coupable, l’obéissance mécanique n’étant, ni dans cette situation ni dans une autre (sauf l’inconscience ou l’immaturité), une excuse possible.
Nous retrouvons ici la liberté et la responsabilité face au bien et au mal si fondamentales dans la souveraineté donnée par Dieu à l’homme et sur lesquelles Dieu insiste tellement dans la Révélation d’Arès :
« Ne Me crie pas : « Est-ce ma faute ? Les siècles n’ont-ils pas établi l’engeance de princes qui m’a joint à elle ? »
Ne crie pas cela ; n’offense pas Ma Miséricorde ! »
(Révélation d’Arès 4/2)
Pourtant, Hannah Arendt ne nous suit pas jusqu’au bout, notamment jusqu’au pardon inconditionnel :
Tout en dépeignant l’accusé comme « normal », « ordinaire », « truffé de clichés » et « irréfléchi », tout en considérant qu’il est responsable de la soumission volontaire de sa pensée à un système qui l’aliène, elle insiste sur le fait que l’ampleur du crime d’Eichmann le rend impardonnable et essentiellement impunissable. »
Il y a là une réflexion fondamentale à opérer. D’abord sur l’idée d’un « crime essentiellement impunissable », impunissable n’étant jamais utilisé avec ce sens spécifique, mais avec le sens d’exempté ou de non soumis à punition. Ici, le crime est tellement grand qu’il ne peut exister de punition à la hauteur de sa dimension exceptionnelle, ce qui poserait l’idée que si on punit l’homme pour ses actes, on ne peut punir le crime en quoi consiste ces actes ! Absurde ? Pas nécessairement, parce qu’il s’agit du crime d’un système auquel ont participé des millions d’hommes. On rejoint la notion de banalité du mal dispersée dans toute l’humanité.
En fait, cela revient à dire qu’on ne peut punir le crime, non parce que c’est matériellement impossible (l’humanité a les moyens de s’autodétruire et d’ailleurs s’achemine lentement vers cette option), mais parce que c’est déjà en cours d’exécution : en choisissant de rompre avec le Bien absolu, Dieu, Source de son bonheur et de sa plénitude humaine faite de dons divins, dont l’amour et la liberté, l’homme entre dans le péché, maladie dégénérative qui le précipite dans la violence, la souffrance et la mort, bref le mal sous de multiple formes.
De ce fait, chaque mal commis par l’homme contre l’homme (de même contre la nature) trouve sa punition immédiate dans la perte un peu plus grande de son humanité. Chaque mal rend l’homme un peu plus mauvais et donc un peu plus malade et souffrant. L’humanité se punit elle-même depuis que le monde est monde, monde sans Dieu, sans la Vie perdue dont ne subsistent que des bribes ici et là dans la volonté de redevenir bon, bref dans la pénitence. La pénitence qui est volonté de redevenir pleinement humain par la vie spirituelle (autre mot pour divine) à laquelle est suspendue l’âme et dont font partie le devoir d’aimer et celui de pardonner.
Il y a ici une similitude avec ce que le Frère Michel décrit de la « Colère de Dieu » dans l’entrée 214 de son blog et dont il écrit :
« La Révélation d’Arès m’a appris que la Colère de Dieu n’est pas irritabilité, mais plaintes qu’arrachent à Dieu ou à la Vie les plaies ou blessures (30/4-7, 33/13, 35/9) que les pécheurs font à Sa Sensibilité. L’unité entre Dieu et homme n’est pas duale ; le mal perpétré par l’homme retombe tout à la fois sur lui-même et sur Dieu.
La crainte (Rév d’Arès 17/6) de Dieu n’est pas la crainte de sa Colère comme punition, mais la crainte d’occasionner à Dieu ou à la Vie comme Mère de notre vie, indissolublement liées, une Peine qui, puisque Vie divine/vie humaine ne font qu’Un (Rév d’Arès xxiv/1) est immanquablement réverbérée en nous. »
En effet, si la souffrance accrue qui se manifeste partout a une limite, la mort physique du souffrant et du fauteur de mal, la volonté de faire le mal peut aller jusqu’à tuer l’âme, « le vrai corps » de l’homme. La punition est alors maximale, car même la part divine qui subsiste en l’homme déchu meurt. C’est bien pour cela qu’il n’est pas utile de punir l’homme, celui-ci le fait très bien lui-même dans chaque mal qu’il commet et qui tue son âme à petits feux.
En revanche, il peut être très utile de pardonner l’homme, même les grands criminels ! Car le pardon est une expression de l’amour et l’amour redonne un peu de vie à ceux à qui il se manifeste et par eux un peu de la Vie spirituelle à l’humanité. L’amour, source et expression du Bien, guérit ainsi l’humanité du mal. C’est aussi simple que cela !
De ce fait pardonner un simple offenseur ou pardonner un grand criminel comme Eichmann relèvent de la même dynamique spirituelle qui prend sa source dans l’amour du prochain, lequel puise sa force dans l’illimité qu’est le Bien.
Ce qui est difficile dans le pardon, c’est le dépassement des émotions et des souffrances charnelles et affectives qui font d’ailleurs du pardon un acte d’héroïsme. Mais la source du pardon, elle-même ne varie pas : c’est l’Amour du Créateur pour Ses enfants relayé par ses enfants à l’égard de toutes l’humanité. Quand je pardonne, je guéris du mal qui est en moi, par don et leg humains et je guéris l’humanité en me donnant bon à elle et en transformant l’héritage que je lui lègue.
Ici, Hannah Arendt se trompe : même le pire des crimes est pardonnable, c’est même la seule chose à faire pour proposer la guérison au coupable et guérir l’humanité qu’il transporte en lui comme la transportent en elles ses victimes. Seule cette réconciliation des cœurs au-delà de la mort transforme l’avenir en construisant de l’âme, substrat divin de l’humain, et en donnant à l’humanité le goût et la force d’ascensionner vers les Hauteurs saintes, là où se situe sa véritable nature et son bonheur sans ombres : ni mal, ni souffrance, ni mort.
En fait, la réponse à faire à Hannah Arendt était déjà donnée en 1942 par une autre grande dame, Etty Hillesum. Celle-ci écrivait dans son journal, le 22 septembre, un an avant sa mort, ces lignes exemplaires :
« Pour vivre avec tous les hommes, il faut apprendre à vivre avec soi-même, savoir que l’on peut faire des erreurs et se tromper : Il faut apprendre à vivre avec soi-même comme avec une foule de gens. On découvre alors en soi tous les bons et les mauvais côtés de l’humanité.
Il faut d’abord apprendre à se pardonner ses défauts, si l’on veut pardonner aux autres. C’est peut-être l’un des apprentissages les plus difficiles pour un être humain… que celui du pardon de ses propres erreurs, de ses propres fautes. La condition première en est de pouvoir accepter, et accepter généreusement même de commettre des fautes et des erreurs. »
Il y aurait beaucoup à dire aussi sur le pardon à soi-même qui est plutôt du non-jugement, mais c’est une autre histoire…